ASTM News

02
Déc

Votum Klima : La COP de toutes les déceptions

« Mieux vaut un mauvais accord, que pas d’accord du tout », a dit Serge Wilmes à l’issue de la COP29 à Bakou. Cette affirmation, contestable, a au moins le mérite de clarifier les choses : il s’agit d’un compromis médiocre et décevant par rapport aux revendications de la société civile.

Au centre de la conférence climatique – et des déceptions – on trouve le nouvel objectif pour le financement climatique, le New Collective Quantified Goal (NCQG). Les pays développés ont accepté de mobiliser « au moins » 300 milliards de dollars par an dans les pays en développement d’ici à 2035 afin de soutenir leurs efforts de lutte pour atténuer le changement climatique et pour s’adapter à ses conséquences. Cela est loin en dessous de la demande des pays en développement, qui avaient demandé 1.300 milliards à ce stade des négociations.

C’est la première déception : 300 milliards en 2035, c’est « too little, too late », alors que les besoins sont beaucoup plus importants et urgents. Certes, la déclaration finale en appelle à la bonne volonté de
« tous les acteurs » pour dépasser 1.300 milliards. Mais ce chiffre ne constitue pas une obligation et
englobe des financements de pays émergents et des marchés financiers.

Les investissements privés, également inclus dans l’objectif des 300 milliards, posent un grand problème néanmoins, comme V otum Klima avait expliqué dans un communiqué de presse avant la COP : « Le financement privé par les marchés financiers ayant montré ses limites, cet argent devra être
mis à disposition sous forme de fonds publics, à prélever notamment sur les acteurs économiques
profitant du système basé sur les énergies fossiles. Afin de ne pas renforcer le cercle vicieux de la
crise de la dette et la crise climatique qui impacte les économies les plus vulnérables, ce financement
devra se faire sous forme de dons et non de prêts. »

De surcroît, le volet « pertes et dommages » (Loss and damage) a été laissé de côté, et son
financement est donc resté sans objectif quantifié. Or, les besoins annuels immédiats sont évalués à
des centaines de milliards de dollars, alors que les engagements « volontaires » ne dépassent pas 800
millions pour le moment.

La demande de la société civile de mettre à disposition des pays du Sud plus de mille milliards par an
dans le cadre du NCQG, sans recours aux marchés financiers, représente un défi, mais n’est pas du
tout insurmontable. Xavier Turquin, directeur chez Greenpeace Luxembourg, a reproché aux
gouvernements du Nord leur « posture néocoloniale »: en invoquant leurs contraintes budgétaires et
en refusant de mettre à contribution les profits indécents des entreprises pétrolières et gazières, ils
préféreraient « préserver les intérêts privés, quitte à mettre en danger la vie des populations du Sud. »

De même Juan Carlos Monterrey Gomez, envoyé spécial du Panama à la COP , avait déclaré dans un
discours émouvant: « Les dépenses militaires mondiales s’élèvent à 2 500 milliards de dollars par an.
Il n’est pas suffisant de dépenser 2 500 milliards de dollars pour s’entretuer, mais il est déraisonnable
d’en dépenser 1 000 milliards pour sauver des vies. (…) Provoquer notre propre extinction est la chose
la plus ridicule qui soit. Au moins, les dinosaures avaient un astéroïde. Quelle est notre excuse ? »

Lors d’une action précédant la COP , V otum Klima avait participé à une action demandant au
gouvernement luxembourgeois de « payer sa part », évaluée à 600 millions d’euros par an. Or
l’enveloppe du financement climatique annoncée par le ministre de l’environnement Serge Wilmes
s’élève à 320 millions… sur cinq ans – encore une déception !

Concernant la lutte contre le changement climatique en termes de réduction d’émissions, les pays
n’ont pas non plus réussi à se mettre d’accord sur la manière dont les résultats du « bilan mondial »
(Global stocktake) de l’année dernière devraient être mis en œuvre. C’est particulièrement accablant
par rapport à l’engagement clé d’abandonner les combustibles fossiles, alors que le pays hôte de la
COP , l’Azerbaïdjan, tire les deux tiers des recettes publiques de la vente de combustibles fossiles.
Selon Gareth Redmond-King, de la Climate and Energy Intelligence Unit, qui était présent à Bakou :
« Une présidence chaotique a donné lieu à des scènes chaotiques vendredi et samedi, avec des textes
et des plénières sans cesse promis, et rarement livrés. (…) Les réunions de la journée ont été houleuses
; à un moment donné, en début de soirée, les groupes de pays des petits États insulaires et des pays les
moins avancés ont quitté une réunion, frustrés que leurs arguments concernant l’affectation de fonds à
ces pays, qui en ont le plus besoin, soient ignorés. Pendant un moment, le mot « walk out » a circulé
partout et l’on a craint un effondrement imminent. Cependant, ils n’avaient quitté que la réunion, pas la
conférence des parties. »

L’impression générale des résultats de la COP est que, loin de « prendre le lead », le Nord global a
renvoyé la balle dans le camp du Sud, avec l’injonction de se débrouiller avec les moyens du bord
pour réduire les émissions et financer l’adaptation et les dédommagements. Cela donne un goût
particulièrement amer à ce qui a été fêté comme une percée politique, à savoir la définition de la mise
en oeuvre de l’article 6 de l’accord de Paris. Il s’agit de la réglementation des échanges internationaux
de crédits carbone, réputés pour avoir permis un monstrueux greenwashing par le passé. Alors que la
réglementation à venir est encore critiquée pour ses lacunes, le risque est grand que face au manque de ressources mobilisées à travers le NCQG, les pays du Sud se tournent vers cette source de
financement hautement douteuse et potentiellement contre-productive.

Enfin, ultime déception, mais sans surprise, l’extrême restriction de présence et de mobilisation de la
société civile sur place en Azerbaïdjan. Il s’agit de la troisième COP de suite organisée dans un pays
autoritaire et économiquement dépendant des énergies fossiles, un choix de la communauté
internationale difficile à comprendre. Cela ne fait qu’ amplifier les attentes de Votum Klima et de la
société civile envers la COP30 au Brésil, dans la cité amazonienne de Belém, en novembre prochain.

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