Forum Social Mondial Montréal – A la quête des utopies réalistes oubliées

Le nouveau Brennpunkt « Drëtt Welt » vient de sortir. Découvrez l’édito consacré au Forum Social Mondial qui a eu lieu du 9 au 14 août à Montréal, le plus grand rassemblement d’acteurs de la société civile qui se donne pour objectif de trouver des solutions aux problèmes de notre temps.
Forum Social Mondial Montréal – A la quête des utopies réalistes oubliées
En 2015, les grands rendez-vous internationaux se sont enfilés les uns après les autres. Objectif: redéfinir le modèle de développement! Cela s’est concrétisé surtout par trois rendez-vous majeurs: la conférence sur le financement du développement à Addis Abeba, l’adoption des nouveaux objectifs de développement, désormais connu comme l’agenda 2030 et finalement la signature de l’accord de Paris sur le changement climatique en fin d’année.
Alors que les chefs et représentants d’Etats posaient pour la photo officielle lors de ces différents événements, les mouvements issus de la société civile se montraient déjà critiques face au processus et aux résultats des différentes négociations. Certains semblaient déçus du manque d’ambition, d’autres du manque de vision ou des deux. Mais surtout, l’occasion ratée de mise en cause du paradigme actuel et sous-jacent au développement, ancré au néolibéralisme économique basé sur une croissance à l’infini, semble en mettre plus d’un d’accord.
Le moment semblait donc opportun de convenir les mouvements sociaux à un seul endroit pour discuter des alternatives. C’est la ville de Montréal qui a été choisie pour accueillir la 12ième édition du Forum Social Mondial. Pour la première fois, depuis son lancement en 2001 à Porto Allegre au Brésil, le plus grand rassemblement d’acteurs de la société civile qui se donne pour objectif de trouver des solutions aux problèmes de notre temps, s’est donc retrouvé dans une ville de l’hémisphère Nord en pleine saison estivale, du 9 au 14 août.
Le Forum Social Mondial se veut surtout un espace de réflexion et d’échanges d’idées et oppose à la mondialisation néolibérale, la mondialisation de la solidarité, de l’entraide et de la coopération. Le Forum a l’ambition d’éveiller les consciences et cela s’est reflété une fois de plus dans le choix des axes thématiques et aussi des intervenants aux différentes conférences et ateliers organisés. Au total, plus de 1.300 activités ont eu lieu pour aborder et discuter des sujets comme les alternatives économiques, les droits humains, la justice environnementale, la démocratie, les migrations et la culture de la paix. La société civile a répondu présente puisque plus de 1100 organisations, issues de 118 pays différents, se sont enregistrées à cet événement et cela malgré la date (mal choisie) en plein été, les problèmes pour obtenir les visas et le niveau de vie relativement cher à Montréal. La difficulté à obtenir le visa d’entrée a eu des conséquences sur l’organisation du Forum lui-même. Ainsi, Aminata Traoré, ancienne ministre de la culture et du tourisme du Mali, qui sera le 14 septembre au Luxembourg (on l’espère) pour intervenir lors d’une table-ronde avec, entre autres, le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, portant sur le sujet des migrations, ne s’est finalement pas rendue au Forum par solidarité avec les quelques 200 autres participants qui se sont vus refuser leur demande de visa et aussi parce les autorités canadiennes n’ont pas accepté sa demande de visa à trois reprises.
Ce qui caractérise encore le Forum réside dans le fait que personne n’est autorisé à prendre la parole en son nom pour éviter toute instrumentalisation politique de cette initiative et aucune déclaration n’est adoptée comme il est souvent le cas lors des grands rassemblements internationaux. Toute personne qui souhaite se faire une idée sur les différentes présentations et les débats doit se rendre sur le site internet du Forum où toute la documentation est mise à disposition.
Le souci de l’instrumentalisation va même plus loin et les organisateurs évitent d’inviter des responsables politiques en fonction. Cette approche n’empêche cependant pas ces derniers de s’y rendre et d’y participer comme citoyens.
Rappelons simplement qu’à chaque occasion, ces mêmes responsables politiques ne cessent de nous évoquer l’importance de la société civile dans le processus de développement. Chacun pourra constater par lui-même combien de références seront faites au Forum au cours des prochains mois par les responsables politiques.
Ce qui a cruellement manqué est également la couverture médiatique de l’événement, particulièrement boudé par les médias issus du Nord. Pourtant, les « personnalités » ne manquaient pas comme par exemple le passage très attendu de Bertita Caceres, fille de Berta Caceres, activiste des droits humains hondurienne assassinée chez elle il y a quelques mois ou encore l’ancienne candidate au prix Nobel de la Paix, Mme Mama Koité Doumbia. Il serait injuste de dire qu’aucun organe de presse n’a relié des informations. Il suffit pour cela de se rendre dans l’espace média du Forum pour avoir la preuve du contraire. Mais, au lieu de relayer voire de creuser des idées présentées et discutées pendant le Forum, on a préféré nous servir des faux débats comme le burkini à la plage, moment estival oblige.